08 Juillet 98 - SOCIETE

L'éveil de Quentin au langage des signes

De notre correspondante.

JOELLE et Marc, instituteurs en Ille-et-Vilaine sont les parents de Quentin, un enfant sourd de cinq ans. Ils témoignent: 'Quentin était tout bébé quand nous nous sommes aperçus qu'il n'entendait ni la radio, ni l'aspirateur, ni les portes qui claquaient. Mais personne ne nous prenait vraiment au sérieux, d'autant que le test d'audition pratiqué à la naissance n'avait rien signalé. Il avait été laissé en blanc. Jusqu'à dix-huit mois, Quentin a multiplié les otites séreuses et a dû subir des paracentèses. C'est à cette époque que les médecins de l'hôpital de Bordeaux nous ont annoncé: 'Votre enfant est sourd.' Ça a été fait de manière si dramatique, que nous sommes repartis complètement démoralisés.'

Les parents sont décidés à tout faire pour que leur enfant ne soit pas exclu de la société. 'Nous avons découvert avec stupéfaction que la seule structure qui existait dans le Morbihan où nous habitions n'était pas favorable à la langue des signes. De plus, elle nous semblait très défaitiste quant à l'avenir des enfants.' Dans le département voisin, en Ille-et-Vilaine, une association loi 1901 liée aux Pupilles de l'enseignement public, a fait ses preuves. L'association Kerveiza coordonne l'intégration dans plusieurs classes rennaises, organise l'aide aux enfants et le soutien aux parents: 'Nous avons pris contact avec eux et deux fois par semaine une orthophoniste est venue rencontrer Quentin pour le stimuler, l'éveiller à la communication tout en jouant.'

A deux ans et quelques mois, Quentin est scolarisé en petite section de maternelle à l'école Carle-Bhaon de Rennes dans une classe dite intégrée. Sa mère dit: 'Je trouvais que c'était tôt mais on m'a expliqué qu'une socialisation précoce aidait la communication et donc le développement intellectuel.' Aujourd'hui, Quentin termine sa troisième année de maternelle; il s'entend très bien avec sa maîtresse et ses copains sourds et non sourds; il joue et échange en langage des signes, tente même un dialogue avec la journaliste qui a honte de ne savoir 'signer' que bravo et maison.

Mais tout n'a pas toujours été aussi simple. Joëlle se souvient: 'Nous sommes passés par une période très difficile avant que Quentin ne commence à utiliser le langage des signes. Il avait des crises d'angoisse terribles, se roulait par terre, se cognait la tête contre les murs, ne dormait plus et devenait violent. Nous avons compris plus tard qu'il avait envie d'exprimer des choses plus compliquées que: 'Je veux ceci, je veux cela', qu'il n'y arrivait pas, qu'il se heurtait au silence. Autour de nous, personne ne comprenait, même nos familles pensaient qu'il s'agissait de caprices. Finalement, avec de la douceur et de la compréhension, et à l'aide de la psychologue de Kerveiza, tout s'est arrangé.'

Aujourd'hui, tout va pour le mieux. Marc et Joëlle voient les progrès de leur fils: 'Il est devenu très sociable, il est très éveillé et a développé ses compétences visuelles; il commence même la lecture globale.' L'enfant admet totalement ses appareils auditifs et vocalise de manière presque normale. 'Il peut passer une heure à répéter le même son, à le crier, car il ne s'entend pas.'

F. L.

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